Raw Vision

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On pourrait parler pendant des heures des quatre-vingts artistes réunis à la Halle Saint-Pierre par la revue Raw Vision. Créé à Londres en 1989 par le peintre John Maizels, ce trimestriel est devenu, en vingt-cinq ans, la référence des courants alternatifs de l’art, participant à la médiatisation et à la reconnaissance d’une autre approche de la création – cet art brut, ou populaire ou outsider. Mais devant une telle profusion, on ne soulignerait que quelques noms, on en omettrait beaucoup trop, peinant à trouver des lignes directrices entre les portraits urbains gangstade Roy Ferdinand, les hachures d’une beauté perverse de Malcolm McKesson, l’art dense et minutieux de Johann Garber, les machines poétiques de Viljo Gustafsson, les installations ludiques de Tom Duncan ou les fusils faits de bric et de broc d’André Robillard.

A l’image de l’existence de leurs auteurs, ces œuvres visionnaires, souvent mystiques, réalisées sur une multitude de supports, échappent à la norme. Ces amateurs ont trouvé dans l’art une manière de reconquérir leur identité, de passer de « malade » à « artiste » : beaucoup des invités de ‘Raw Vision’ ont séjourné en hôpital psychiatrique. Certaines de leurs œuvres nous sont même parvenues parce qu’elles avaient été conservées par les médecins, non pas pour leurs vertus artistiques mais pour illustrer les manifestations des pathologies dont ils étaient victimes (c’est le cas d’Andrew Kennedy).

Exposition éblouissante, ‘Raw Vision’ est surtout une profonde réflexion sur notre regard. Même si Henry Darger ou Joe Coleman ont aujourd’hui la notoriété qu’ils méritent, cet art populaire, spontané, viscéral, réalisé par des « non-professionnels », n’est que trop peu mis sur un pied d’égalité avec l’art « savant » des artistes déclarés. Ici, à travers l’exploration de cette face cachée de l’art, c’est finalement la face cachée de notre société qui remonte à la surface. Une société tourmentée qui apparaît dans toute sa violence, les artistes reprenant souvent des motifs ou des stéréotypes de notre imagerie populaire, revisitant l’esthétique religieuse ou exacerbant la noirceur des rapports humains. Ou comment l’art a transformé l’ostracisme de ces bannis en un poste d’observation privilégié sur notre monde.

> Horaires : du lundi au vendredi de 10h à 18h, le samedi de 10h à 19h, le dimanche de 11h à 18h.

Auteur : Mikaël Demets

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